lloyd ♣ « mais qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance »
3 participants
Auteur
Message
Lloyd Lane Jr
Messages : 9 Date d'inscription : 23/10/2010
Sujet: lloyd ♣ « mais qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance » Sam 23 Oct - 0:24
“ lloyd lane junior.
STARRING 'BOYD HOLBROOK'
• HELPLESS CHILDREN •
« DIS-MOI, C'EST ÇA L'ENFER ? »
« Lecteur, tu vas haïr ces mots qui vont brûler tes yeux et te faire mon complice. Mais je dois raconter, je dois écrire, la fourberie, la cruauté et l'infini d'une humanité mutilée. Tu n'entendras rien à mes délires, jamais, lecteur, mais ils te marqueront au cœur comme autant d'horreurs, et d'erreurs fascinantes à l'ombre de corps calcinés. Tu ne connaitras ni la jouissance du crime, ni la beauté de la perversion, mais tu emporteras, dans la fougue insouciante de ton déni, les épaves de mes plus beaux rêves ébréchés, tous enfumés de perdition, d'opium et de légende. Lecteur, tu vas haïr ces mots, oui, tu vas les haïr... puis les aimer, en bel esclave de mes vanités. »
[ lettre première, de lloyd lane jr à nom effacé ]
Il était une fois... Un enfant primitif qui ne vit la belle Londres qu'à l'aube de ses vingt ans. Huit années révolues, les grands seigneurs et les petites gens parlaient encore de lui comme du Sauvage, du Cannibale. L'animal, tout retranché d'instinct, ne devait sa légende mortifère qu'à son naturaliste de père. Sir Lloyd Lane était, en effet, un darwiniste convaincu, introduit à la Cour, qui s'exila en Afrique noire dans le courant des années 1860 pour mener des recherches sur de lointaines tribus d'autochtones prétendument anthropophages. Quand il revint en capitale, armé de ses deux enfants défaits de tout usage, l'on rit ou l'on s'offusqua que deux fils d'Angleterre eurent été convertis à la cause de barbares ; l'aîné mourut brutalement dans l'année, et le cadet tint sa survie d'un talent pareil au miracle que l'on rétribue toute sa vie durant. Et ce talent, il l'exalta.
Puis l'an de grâce 1888 vit naître Jack, le sanglant Jack. Homme ou démon, il découpa des caractères de sang dans la nuit noire et inspira à cet enfant, honni des civilisations, le génie que nécessite tout l'art qu'est le crime. Pour beaucoup, Lloyd Junior est le parfait coupable. Pour d'autres, il n'est rien qu'un dément de plus. Mais cet être, abominable de clairvoyance, n'est ni naïf ni primitif : l'ultime héritier des Lane est parfaitement conscient, éduqué, et bien au fait des traits d'Humanité. Il n'est ni menteur ni manipulateur... il ne peut offrir, sans revers ni refus, que ce qu'il est, que ce qu'il a. Affranchi de morale et de lois, il n'est rien que l'ultime perversion qui anime le corps débile de tous les êtres, comme une coulée d'absinthe dans la gorge qui révulse pour finalement se laisser quémander.
Celui-là même qu'on ose encore nommer le Sauvage, le Cannibale, n'est pas le meurtrier, ça, non... il n'en est bien que le sombre élève d'un maître qui l'ignore.
« BAS LES MASQUES. »
« Je suis la plaie et le couteau, et la victime et le bourreau. Je serai Lloyd. »
Dernière édition par Lloyd Lane Jr le Dim 24 Oct - 15:55, édité 18 fois
Lloyd Lane Jr
Messages : 9 Date d'inscription : 23/10/2010
Sujet: Re: lloyd ♣ « mais qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance » Mer 10 Nov - 11:14
« TA CONTRE-MORALE. »
« Je suis Jack. Tu es Jack. Il est Jack. Nous le sommes tous. Je suis ce monstre, et cet artiste, ce dieu et ce dément qui peint les rues de Londres couleur sang. » Le visage émacié par la flamme ondulant sous ses doigts audacieux, Lloyd épuisait les courbes rébarbatives de chacun de ses mots. A la lumière obscure de ses divagations alambiquées, il fantasmait un idéal craint du commun des mortels. D'ailleurs, il aimait à croire qu'il n'aimait pas tant cet univers car c'était là un monde craint, que l'idée que ce monde était craint parce qu'il l'aimait. Drapé d'égocentrisme, il ne mesurait rien de votre monde, du nôtre, de celui-là même qui jamais ne l'avait enfanté, accepté ou même toléré. Il le voyait comme tout à chacun, cela, bien sûr, mais il ne l'aurait jamais partagé, pas plus qu'il n'aurait porté à ses lèvres la bouchée de pain qu'un autre eut goûté avant lui... quitte à mourir.
Avant que sa plume n'ait pris son repos, la paume de sa main vint étouffer l'ardeur dansante de la bougie. La pièce, exiguë et crasseuse, prit soudainement une teinte ombragée de décadence, vaguement éclairée par les lueurs de la ville au dehors. Dans la rue, là, à quelques pas, l'on s'agitait, l'on troquait son corps et son âme pour quelques pièces maudites. Et, quelques heures plus tôt, Lloyd y trainait encore ses allures de gentleman à hauteur de ses songes d'animal.
« Alors, mon bonhomme, t'es perdu... » Le railleur sourire de la catin s'était éteint à mesure que le visage du barbare s'était distingué à la lumière de la nuit ; le regard assombri par l'inclinaison de son visage, et un fin rictus déchirant sa bouche d'une horreur satisfaite, il s'était approché jusqu'à faire courir ses doigts sur la gorge de son imprudente interlocutrice déjà damnée. « P... pas moi, avait-elle péniblement dégluti, par pitié... Pas ce soir. » Sans prêter d'attention à la rigueur de ces supplications, il l'avait saisie au poignet et, la plaquant au rude mur de briques, il avait écarté les tissus poisseux de sa poitrine. Sa fermeté, presque brutale, avait ainsi été remplacée par une étrange douceur, tutoyant des sommets de mélancolie. Son index, habile et fragile, était venu redessiner les contours d'une fine cicatrice sur le galbe décent de son sein. « Je vous en prie... » Elle n'avait pas hurlé. Elle n'avait cherché aucun secours. Pourtant, elle avait désiré cette échappatoire. Elle avait ardemment souhaité qu'on vînt la délivrer du Mal qui tentait de l'étreindre. Mais personne ne serait venu. Et personne ne l'aurait entendue. Elle l'avait su parce qu'elle connaissait bien cet homme, parce qu'elle connaissait son bourreau, comme tous les affres dont il souffrait joyeusement à l'ombre de l'impunité. Nuit après nuit, sans tempérance ni espérance.
Cependant, ce que craignait cette femme n'était pas la mort. Elle, elle savait qu'il n'était pas Jack, comme elle savait que ses viscères ne se retrouveraient pas, dès l'aube, exposées à la vue de tous... pour peu qu'elle consentit ses charmes vulgaires à tel barbare. Pour autant, et croyez-le, elle céda à la faiblesse angoissée de préférer la mort à la moindre minute entre les mains expertes de Lloyd Lane Jr. Oui, pendant quelques secondes, elle s'accorda à croire qu'il aurait mieux valu recevoir quelque maudite grappe de raisin plutôt que de se laisser emporter dans les lupanars sordides de cet homme aux doigts prudes mais aux mœurs insensées.
Et, pourtant, elle avait été épargnée. Et l'infortune le rappela à Lloyd. « Conte-moi ce que je ne sais lire… » S’arrachant à sa contemplation toute narcissique, Lloyd lui consentit un regard terne, mais profondément attentif. A sa maigre poitrine illusionnée de haillons, elle avait encore d’accrochée la fine fleur qu’il lui avait offerte en présent. Il se rappelait encore avec minutie du sourire qui était venu éclairer le visage fade de cette belle de nuit. Ô, grand Dieu, qu’elle ne possédait aucune beauté, mais quel charme que celui du ravissement infantile. « Conte-moi, répéta-t-elle en pressant son corps contre le sien. » Presque aussitôt, les lèvres coulèrent jusqu’au creux de son cou, et le frisson qui parcourut sa peau s’apparenta au dégoût primaire, et mécanique, d’un fils de bonne famille face à une simple souillon. Surmontant sa terreur primitive, il parvint à tolérer cette créature. « J’écris un monde que tu ne pourrais comprendre. » Comme elle ne s’offusquait de rien, il fût évident qu’elle ne l’écoutait guère. D’ailleurs, les mains de la catin s’insinuèrent doucement sous le revers de la veste, tant et si bien que Lloyd dut en arrêter la course d’un geste ferme, et certain. « Pas de ça, siffla-t-il entre ses dents serrées. » Comme une enfant prise en faute, elle s’écarta à maigres pas, les doigts emmêlées dans son dos, et le regard tout pour le plancher sur lequel elle sembla prête à se prosterner pour éviter toute correction ; ceci n’était qu’un artifice, et il le remarqua avec aisance en surprenant le licencieux mais fin rictus qu’elle avait, là, de vissé aux lèvres. Peu farouche, la belle semblait donner à chaque seconde une poésie méconnue du plus grand nombre, et plus encore d’elle-même. Bien sûr, elle ne mesurait alors guère la part de son âme qu’elle avait d’ores et déjà vendue à ce beau diable.
Peu avant l’aube, le corps frais de la putain transpirait la mort, et la douleur. Pourtant, elle vivait. Malgré ce corps entortillé dans les draps maculés, elle respirait. Oui, sa poitrine se soulevait doucement, tranquillement. Là, elle dormait. Paisible. Oui, paisible. Et Lloyd, lui, semblait avoir épuisé les mots susceptibles de décrire les images, les sons et les saveurs qui, hier encore, vrillaient ses sens pour le confondre dans une jungle de perceptions ahurissantes, presque aussi dignes que le plus pur des opiums de toute la capitale britannique. De ses doigts agiles, il ramassa une fiole ne pouvant contenir que dix à quinze centilitres d’un même liquide. Celle-ci contenait un liquide jaune lumineux, emprunt de reflets verdâtres. A l’intérieur, une sorte de décoction barbare ayant des vertus comparables aux nouveaux procédés analgésiques. En saisissant une seconde fiole, il sembla prêter une attention redoublée, une attention prédatrice. Le petit contenant de verre était empli d’un liquide bien plus épais, d’un rouge si prononcé qu’il jouxtait les noires abysses. Plus âpre au goût, nul ne peinerait à y reconnaître du sang. Comme il fit sauter le petit bouchon de liège, Lloyd entrouvrit les lèvres. Avant qu’il n’ait pu en porter la première goutte à sa langue, une plainte stridente s’éleva dans toute la piteuse maisonnée. Le plancher craqua, et les murmures en sifflèrent.
La belle s’était éveillée, paniquée, et en pleurs, tâtant chaque parcelle de son corps à la recherche, sans doute, d’une quelconque blessure béante sur sa peau. Mais rien, du tout. « Que… je… » Et puis elle aperçut la petite fiole entre les doigts du monstre, et les souvenirs la gagnèrent en même temps que la terreur. « Comment !… » Dans sa précipitation, elle bascula en contrebas du lit, tant et si bien que ses gémissements redoublèrent. Quand elle se redressa, elle s’agita à vouloir détaler puis, apercevant l’œil tranquille, et même insipide, de son bourreau, elle altéra soudainement la vigueur de son cœur. Ainsi, ils se scrutèrent pendant de longues minutes, silencieux. « J’ai rêvé… dites que j’ai rêvé, le supplia-t-elle. » Comme Lloyd s’obstina dans son implacable stoïcisme, les pleurs revinrent à la fillette qui s’agita encore de fébrilité, d’angoisse et d’hystérie. Comme elle était incapable de gérer ses émotions, il lui fit finalement signe d’approcher. Alors, et par un réflexe qui ne tenait que de la Nature, elle s’exécuta. Elle craignait cet homme, ce semblant d’homme, mais elle approcha pourtant. D’une rare délicatesse, il la prit au poignet et la fit mettre à genoux. Il tira la première fiole, dont il versa quelques gouttes dans une coupelle. A celles-ci, il ajouta une seule et unique goutte de la seconde, une seule et unique goutte de sang. Par des lois de chimie que Lloyd avait vu cent fois sans jamais les comprendre, elles formèrent bientôt un liquide homogène, d’une couleur d’un rouge plus clair, presque carmin. Ainsi, il l’enjoignit à boire, ce qu’elle refusa immédiatement en tentant de lui échapper. La retenant brutalement par le poignet, il réitéra froidement l’ordre. « Jamais, geignit-elle. » Déposant la coupelle sur la table, il avisa un couteau dont la finesse fût comparable à la précision d’un scalpel. Le plus calmement du monde, et malgré les soubresauts défensifs et sauvages de sa prisonnière, il en approcha la lame jusqu’à redessiner très sereinement le contour d’un œil, puis de l’autre. Cela la confondit bientôt à l’obéissance. Elle avala immédiatement le liquide sans sourciller, tellement que son visage trahit très tôt, trop tôt, sa satisfaction à n’en ressentir aucun goût. Sauf que, comme l’avait déjà vu et prévu son geôlier, l’amertume lui revint bientôt. De nouveau, elle s’agita avec frénésie, et même furie. Enfin, il la laissa filer mais, plutôt que de chercher la porte, elle se jeta au milieu des draps, s’y enfouissant comme un animal aux aboies.« Tu n’as rien à craindre, affirma, soudain, Lloyd. Ça ne durera pas longtemps… » Et, en effet, la putain sombra dans un apparent trépas avant que le soleil ne fût tout à fait levé.
« Il existe des hommes aux mœurs des plus dissolues, des hommes sans vertu et sans morale, des hommes qui, quand même confrontés aux crimes les plus sordides, ne frémissent plus. Placides et désœuvrés, ce sont des initiés, des barons, des comtes, des ducs, et même des princes, qui se complaisent dans des actes que tant qualifieraient d’odieux, de pervers, et que moi… moi, dans mon aliéné sens de la civilisation, je qualifierais de majestueux, d’audacieux et plus simplement de naturels. De leurs forfaits défaits d’humanité, sont nées d’absurdes légendes de vampires. Nul ne sait si de pareils démons existent bel et bien, mais ces hommes n’en sont pas. S’ils se gorgent de la terreur, de la soumission et du sang de leurs victimes, ils ne sont pourtant que de viles créatures faites de chair et de sang. Mais ils ont compris, ils ont découvert, eux, l’accoutumance déplacée et pourtant légitime que l’être humain développe pour la barbarie, le règne prédateur et ce besoin viscéral de procéder de la violence, de la jouissance et de la mort. Car l’Homme est animal. Car l’Homme est un loup parmi les loups. »
Quand elle revint à elle, ses passions semblaient apaisées. Ce ne serait que temporaire, Lloyd le savait fort bien. Bientôt, elle redemanderait de ce nectar et, dispensé de cette unique mais essentielle goutte de sang, cela n’aurait plus jamais le même goût. Son insatisfaction appellerait la frustration, et la frustration appellerait le franchissement du tabou. Tout sacré qu’était ce pourpre liquide, il allait se laisser quémander. Il se laissait toujours quémander. « L’analgésique produit la dépendance. Le sang confère la saveur, l’unique saveur. Précieux liquide, et liquide prohibé. D’où sa puissance… » La putain s’agitait dans une sorte de demi-sommeil, où elle semblait chercher repères et assistance. Mais rien ne venait. Lloyd, la plume suspendue au-dessus du papier, la considérait à peine. Ce spectacle, il l’avait déjà vu des dizaines de fois… bien trop de fois, certainement, d'ailleurs. Il ne s’était pas éveillé un matin avec l’idée tragique d’abreuver quelques triviales jeunes filles du sang de leurs congénères. Cette folie, à laquelle il donnait un sens, n’était rien que le résultat d’un long parcours, d’un chemin serpentant entre bien des perversions, connus et pratiquées, quelques fois légalement désormais. Dans son enfance, Lloyd avait vu des choses, vécu des choses, et ses heurts avec la civilisation l’avaient ainsi marqué d’une décadence logique, légitime, et finalement justifiée. Cette lubie n’en était qu’une parmi des centaines, des milliers, parmi toutes celles qui l’amenaient, au jour le jour, à mutiler, traumatiser, ou plus simplement humilier. Dans son esprit, les idées se fondaient, se confondaient, jusqu’à ce qu’il n’en puisse retirer qu’une seule et unique certitude : l’Homme n’était en rien fait pour la civilisation. Aussi, et sans débat, il n’y avait plus ni conventions sociales, ni bienséance, ni morale ni justice. Rien. Que le néant primitif, l’état le plus brut, le plus proche de la Création. Un monde que Lloyd connaissait bien, auquel il aspirait, et pour lequel il en eut détruit cent autres. Londres la sordide n’était qu’un non-sens, des siècles d’absurdités, d’inepties et finalement de déchéance. Londres la poisseuse était un blasphème. Et, dans ce chaos, il prétendait lui rendre ses lettres de noblesse, celles-là qu’on ne confère qu’à l’instinct et ses raisons, sans raison aucune.
« Mes desseins sont purs, mes intentions sereines et sans crainte d’être altérées par un quelque démon. Je ne suis rien qu’ils aient déjà connu, je ne suis rien qu’ils ne connaîtront plus. Je ne suis pas Jack. Je ne suis même pas un homme. Qui sait seulement ce que je suis... » La plume laissa perler une ultime goutte d'encre noire... pour engloutir aveuglément la raison et l'espoir.
______
petite précision : par pure commodité de ma part, j'ajoute que la théorie selon laquelle les « vampires » viendraient de pratiques nobiliaires très controversées est une idée défendue par des gens autrement plus qualifiés que je ne le suis. Cependant, j'adhère particulièrement au principe, donc libre à chacun de croire ce qu'il veut, puisque ce n'est jamais que de la fiction. A bon entendeur.